Un sondage Opinionway réalisé fin décembre 2020 indique que 93% des Français ne souhaitent pas habiter dans le centre d’une grande métropole. Celles-ci concentrent pourtant près de 30% de la population… ces données révèlent l’échec d’une politique d’aménagement du territoire contraire aux attentes des Français. Ce désamour pour ces villes gargantuesques n’est pas nouveau et les études successives confirment que les villes moyennes et les petites unités urbaines ont la préférence des Français.
L’exode métropolitain à l’épreuve des réalités
La période de confinement et l’avènement du télétravail sont venus accroître ce rejet des centres urbains et ont dopé les recherches de biens immobiliers en direction de nos territoires (+ 17% des recherches en Bretagne et baisse de 20% pour Paris, selon une étude SeLoger réalisée après le premier confinement). Ce désir de verdure s’est malheureusement heurté à la réalité et peu nombreux sont ceux qui ont fait leurs cartons.
Pourquoi un tel échec ?
Les citadins ne sont pas schizophrènes mais subissent l’absence de réelles politiques d’aménagement du territoire par les gouvernements successifs.
Logements abandonnés, friches industrielles, rues commerçantes désertes, panneaux « bail à céder », déclin du marché du travail… les métropoles ont progressivement aspiré toute l’activité du pays au détriment des villes moyennes. Cette polarisation à outrance des activités créé une véritable rupture territoriale et empêche toute perspective de mobilité vers les territoires.
L’explosion des prix de l’immobilier dans les métropoles
Les candidats malheureux à l’exode métropolitain paient le prix des conséquences de l’hyper-concentration des activités. Le logement est aujourd’hui en tête des dépenses des ménages qui ont subi, dans certaines métropoles, le doublement (voire le triplement) des prix de l’immobilier en 20 ans. Les plus grandes métropoles sont tout bonnement devenues inaccessibles aux classes moyennes. En même temps, des logements plus spacieux et bien moins chers se dégradent faute de trouver rapidement preneur à moins de cent kilomètres !
Grâce aux nouvelles perspectives offertes par la généralisation du télétravail, certains désirent quant à eux un mode de vie hybride : fuir la métropole tout en conservant leur activité professionnelle (à raison d’une journée par semaine en présentiel, par exemple).
Pour ces derniers, les difficultés d’accès, notamment par voie ferroviaire, douchent là encore tout espoir d’une vie loin du stress, des bouchons et de la pollution.
Depuis des décennies, la fracture territoriale n’a cessé de s’accroître. La crise des gilets jaunes en a été un élément révélateur. En dépit de vagues ambitions affichées en 2017 puis dans le cadre du Grand Débat de 2018, les échecs sont criants pour Emmanuel Macron : couverture du territoire en fibre optique, désengagement de l’Etat en matière ferroviaire, délocalisation de nos emplois industriels à l’image récente de Bridgestone, zones blanches de téléphonie mobile alors que la 5G se déploie d’ores et déjà dans les très grandes villes…
Face à un modèle obsolète tourné uniquement vers les métropoles, il est urgent de développer des mesures de bon sens en faveur d’un rééquilibrage du territoire :
- Créer un grand Ministère de l’aménagement du territoire, du transport et du logement. Afin d’irriguer et dynamiser nos territoires, il faut abandonner l’approche sectorielle des politiques publiques pour gagner en cohérence et en efficacité.
- Délocaliser des Ministères et administrations centrales en région. Aujourd’hui, la totalité des centres de décisions est basée à Paris. Illustration de cette concentration délirante : l’Agence nationale de la Cohésion des Territoires créée en 2020 est située… Rue du Ségur dans le 7ème arrondissement de Paris !
Une telle délocalisation aurait de multiples effets : rapprocher les Français de leurs gouvernants et mettre fin à la déconnexion des élites, redynamiser tout un écosystème grâce à l’arrivée de plusieurs centaines d’employés ministériels, créer des emplois indirects et attirer de nouveaux investisseurs, améliorer les dessertes ferroviaires de ces régions… Le Ministère de la Mer pourrait être basé à Boulogne-sur-Mer ou à Brest, le Ministère de la Culture à Angoulême ou à Avignon etc. - Simplifier les normes d’urbanisme et de construction et soutenir financièrement les villes moyennes. D’ici 2035, ce sont près de 450 000 logements supplémentaires qu’il nous faudra créer ou réhabiliter. Cette simplification des règles d’urbanisme permettrait la réalisation rapide d’immobilier résidentiel mais aussi commercial. Cela doit s’accompagner d’un plan de soutien aux maires qui souhaitent accueillir de nouvelles familles et de nouvelles activités économiques mais connaissent des difficultés à subvenir aux équipements nécessaires (voirie, écoles, équipements sportifs…).
- Mettre en place un système équilibré de télétravail discuté par branche et au sein de chaque entreprise. Si la crise de la Covid-19 a permis de démocratiser l’usage du télétravail et de s’émanciper de certaines contraintes spatiales, il faut faire en sorte que ces nouvelles pratiques soient comprises et acceptées de tous dans un équilibre propre à chaque corps de métier et chaque entreprise, dans un esprit de dialogue.
- Soutenir la création d’espaces de travail partagés afin de renforcer le lien social des télétravailleurs mais aussi pallier les problèmes matériels et humains que représente le télétravail pour un certain nombre de Français (absence de pièce dédiée, difficulté de déconnexion…).
- Faciliter la mobilité vers les métropoles pour ceux qui y seraient contraints par leur activité professionnelle (amélioration du réseau ferroviaire, prise en charge des abonnements de transports…). Les mobilités constituent la pierre angulaire de l’effectivité d’une politique d’aménagement des territoires. A cet égard, il ne faut pas oublier les 40% de Français dont la profession ne permet pas de télétravailler, notamment ceux que le confinement a révélé comme essentiels à la nation.
- Mettre fin aux zones blanches de téléphone mobile et déployer la fibre sur l’intégralité du territoire. La couverture numérique du pays présente un double objectif : donner le choix aux entreprises de s’installer partout en France (et non seulement dans les métropoles) créant ainsi une multitude de bassins d’emplois sur le territoire et concrétiser les objectifs en matière de télétravail.
Nos territoires ont beaucoup d’atouts et font la fierté des Français. Après tant d’années d’indifférence des dirigeants politiques, il est temps de les placer au cœur d’une politique ambitieuse.