Nos petites et moyennes entreprises (PME) représentent 99 % des entreprises du pays mais ne sont attributaires que d’un tiers des montants des marchés publics passés sur notre sol.

Ce constat étant partagé, il n’est plus l’heure d’imposer de nouvelles contraintes aux acheteurs, elles ne feraient qu’aggraver cette situation paradoxale.

Une pause doit être faite dans l’ajout de nouveaux freins réglementaires, environnementaux ou sociaux, à l’accès des PME à la commande publique.

LE « SYMPTOME » DE LA MISSION PARLEMENTAIRE.

En février, une mission parlementaire a été mise en place avec l’objectif proclamé (retenez votre souffle…), de proposer : « un pilotage stratégique de la commande publique, au service de la relance de l’économie et de la maximisation de ses impacts territoriaux, environnementaux et sociaux ».

Encore une mission parlementaire avec un titre fourre-tout et pompeux ?

Sans doute, mais pas seulement. L’existence même de celle-ci, tout comme son intitulé sont un aveu d’incurie : la commande publique française n’est tout simplement pas pilotée…

C’est pour le moins dommage voire tragique pour notre vie économique. Nos achats publics représentent en effet au bas mot 170 000 marchés et surtout 110 milliards d’euros par an.

Les deux parlementaires rapporteuses (LREM) doivent proposer une méthode de suivi et de pilotage des priorités sur l’ensemble des acheteurs, en incluant également les collectivités territoriales et les établissements publics, pour sensibiliser tous les intervenants au levier de la commande publique.

Vaste programme…et nouvelles propositions technocratiques en perspective ? Normes supplémentaires, nouveaux logiciels ou indicateurs à suivre par des acheteurs publics locaux déjà noyés par les contraintes nationales ou européennes…?

Il est encore trop tôt pour le dire car leur rapport intermédiaire, qui devait être rendu fin mars, ne verra finalement pas le jour. Ce n’est qu’à la fin du mois de juillet que le rapport définitif sera produit. Cette péripétie n’augure pas de solutions pragmatiques et innovantes alors que le contexte l’exigerait.

UN CONTEXTE DE PRESSION BUDGETAIRE ET REGLEMENTAIRE.

Avec un déficit de l’Etat abyssal (9,2 % du PIB en 2020 et 9 % prévus pour 2021), les acheteurs publics nationaux vont probablement rester cantonnés à leur quête de « l’offre économiquement la plus avantageuse ». Ce carcan réglementaire, prévu par le code de la commande publique (article L2152-7), aurait du sens, si, dans la pratique, la part du seul critère prix n’était pas écrasante.

Or, conjugué avec le phénomène de « la prime au titulaire sortant », ceci a souvent pour conséquence d’écarter nos PME de ces opportunités. Le mouvement général de massification/centralisation des achats de l’Etat, entamé depuis maintenant plusieurs années, ne fait que renforcer la tendance : il n’y a plus de place pour les PME locales dans les appels d’offres nationaux.

Par ailleurs, avec les luttes d’influence entre compagnies internationales (qui se bousculent pour remporter de nouveaux marchés) comme avec les règles de publicité des marchés au niveau européen, c’est même parfois nos grandes entreprises nationales qui sont mises hors jeu sur leur propre territoire.
Au niveau local.

L’herbe n’est pas plus verte au niveau local… Si l’on prend l’exemple des départements, qui figurent parmi les collectivités dont les budgets sont les plus touchés par la pandémie, les perspectives 2022 ne sont pas plus roses.

Dans une récente étude, une agence de notation, pointe en effet nos départements et leurs « déséquilibres structurels entre recettes et dépenses » accentués par « la réforme de la fiscalité locale ».

Dans ce contexte et avec le renouvellement des exécutifs, la pression sur les acheteurs publics départementaux va donc elle aussi s’accroître. Rares seront ceux qui développeront des solutions novatrices pour favoriser le tissu économique local.

S’exposer à la censure du juge, telle est en effet l’épée de Damoclès qui paralyse toute collectivité qui voudrait instaurer une préférence locale pour ses achats. Elle s’opposerait ainsi à la sacro-sainte «libre circulation des marchandises» ou encore à «la libre prestation de services» (cf. traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).

Ces exigences du droit de l’Union européenne (voire du droit constitutionnel national)
ne sont plus tenables dans le contexte actuel.

ADAPTER LES REGLES ET NON S’ADAPTER A DE NOUVELLES NORMES.

Ainsi, loin d’une nouvelle adaptation AU droit de l’Union Européenne, nous avons besoin d’une adaptation DU droit de l’Union Européenne. Pour ce faire, au delà des critères de sélection des offres, l’attention pourrait notamment se porter sur le développement des pistes suivantes :
– Accroître les possibilités de spécifier dans les appels d’offres l’implantation
géographique du titulaire ou de ses sous-traitants ;
– Accroître les possibilités juridiques d’allotissement régional ou local ;
– Inciter aux regroupements de PME qui ne seraient pas en capacité seules de soumissionner utilement à de nouveaux marchés,

S’agissant de cette dernière piste, des exemples éclairants et des méthodes existent.

Ainsi, des groupements momentanés de plusieurs PME, chacune implantée localement, mais maillant le territoire national collectivement, ont déjà réussi à obtenir des marchés centralisés très conséquents et à prouver qu’ils étaient en mesure d’apporter les services attendus à des tarifs compétitifs.

Des groupements d’entreprises familiales, se sont même parfois opposé avec succès à des grands groupes, en faisant la démonstration qu’ils pouvaient être à la hauteur dans la durée.

Au delà de l’esprit de famille, les PME sont souvent synonymes de disponibilité d’innovation, de réactivité et d’adaptation. Leurs modèles managériaux reposent généralement sur un circuit de décision très court qui autorise une agilité devenue désormais appréciable, voire indispensable pour des collectivités publiques acheteuses dans la tourmente.

Quand ces mêmes collectivités s’impliquent auprès des PME, elles soutiennent leur croissance. C’est bien sûr fondamental car nos PME maillent le territoire et permettent qu’il soit irrigué par l’économie.

Au final, les acheteurs publics locaux doivent pouvoir faire confiance aux PME et avoir une sincère volonté de les intégrer dans leurs marchés. Il est grand temps de les y inciter…

Paul Economos

Paul Economos

Cadre dirigeant