Le contexte sanitaire délétère que nous vivons actuellement, et qui vient entrechoquer la période électorale à venir, ne doit pas occulter l’ensemble des difficultés que connaissent les Français. Bien entendu, et à juste titre, la santé est devenue depuis un peu plus d’un an un sujet de préoccupation majeure pour chacun d’entre-nous. Mais à côté de cela, d’autres sources d’inquiétudes demeurent. Parmi celles-ci, l’emploi et le pouvoir d’achat bien sûr, mais toujours et surtout l’insécurité. Selon un récent sondage (Odoxa juillet/août 2020), près de 70 % des Français déclarent se sentir aujourd’hui en insécurité. Loin de n’être qu’un simple « sentiment », cette réalité est alimentée chaque jour par des faits divers toujours plus nombreux et sordides, tel l’assassinat par un tunisien radicalisé de Stéphanie au commissariat de Rambouillet le 23 avril dernier, mais aussi par une augmentation significative des infractions pénales les plus graves dont les atteintes aux personnes ( + 10 % en moyenne en 2019). Ce même sondage établit en outre, que près de 2/3 des Français ont déjà été victimes d’agressions ou de nuisances importantes dans leur commune. Pour ces raisons, les élections régionales s’avèrent être un moment choisi pour s’emparer de cette question.

 

En principe, en dehors de quelques compétences limitées, la sécurité ne fait pas partie des prérogatives dévolues à la Région. Toutefois, la nature transversale même du sujet, mais également les différentes possibilités qui s’offrent à cette assemblée territoriale dans le cadre de ses missions, ouvrent tous les champs du possible. D’ores et déjà, certaines d’entre-elles, dont celle d’Ile-de-France avec son « bouclier de sécurité », ont tracé une voie innovante qui mérite d’être explorée et élargie.

 

La nature multi-forme de la criminalité et ses développements tentaculaires, ont depuis longtemps établi que seule une organisation d’envergure pouvait lui opposer une résistance forte. L’État, dont c’est la compétence première, a ainsi, au fil du temps, tenté de s’organiser pour combattre le phénomène. Force est de constater qu’il n’y est pas toujours parvenu, laissant de larges trous dans une politique sécuritaire qui peine désormais à s’imposer, laissant des pans entiers de nos villes et nos villages livrés aux délinquants. A cet égard, on ne peut que regretter une des dernières dispositions adoptées par la police nationale de « zonaliser » la Direction Centrale de la Sécurité Publique. Direction active de proximité, la DCSP est en effet le seul service à pouvoir offrir une police effective et efficace en matière de sécurité du quotidien (police secours et ordre public…), de police judiciaire immédiatement accessible aux victimes et de renseignement territorial adapté au terrain. Ainsi,  cette « zonalisation », qui ne s’appuie sur aucune collectivité territoriale reconnue par nos concitoyens, ne fera qu’éloigner un des services majeurs de la police nationale en le déconnectant des réalités quotidiennes qu’ils peuvent vivre. Par ailleurs, de par ses dimensions excessives, la zone de défense et de sécurité n’apportera rien de véritablement intéressant pour les services territoriaux de la DCSP qu’il s’agisse des circonscriptions de police ou des départements de sécurité publique.

 

Si un niveau de coordination était bien nécessaire, c’est au niveau de la région, ainsi que l’on fait les gendarmes, qu’il fallait le positionner. Adossé au conseil régional qui aurait été à même, compte tenu de ses moyens, de développer, en partenariat avec l’État, des politiques de prévention et de sécurité ciblées et réalistes, une réelle plus-value était clairement envisageable. De même, alors que près de 6 français sur 10 considèrent que les forces de l’ordre ne collaborent pas suffisamment entre-elles, il aurait été possible  de procéder, à niveaux territoriaux équivalents, à des rapprochements opérationnels efficaces entre la police nationale, la gendarmerie nationale et les polices municipales. Une fois encore, certainement à cause de revendications catégorielles mal venues, le ministère de l’Intérieur passe à côté d’une réforme importante sur laquelle, compte tenu des enjeux, il faudra immanquablement revenir. Que de temps perdu !

Olivier Damien

Olivier Damien

Docteur en Droit Ancien Commissaire Divisionnaire