Le décret n°2020-1662 du 22 décembre 2020 porte modification du code de déontologie des médecins en ce qui concerne leur communication professionnelle. Ce décret prévoit que les médecins peuvent communiquer des informations au public à caractère scientifique, uniquement si ces informations font état de « données confirmées ou étayées ».
* L’article R.4127.13 modifié du Code de Santé Publique (CSP) stipule que « lorsque le médecin participe à une action d’information du public à caractère éducatif, scientifique ou sanitaire, quel qu’en soit le mode de diffusion, il ne fait état que de données confirmées, fait preuve de prudence et a le souci des répercussions de ses propos auprès du public. »
* L’article R.4127-19-1 modifié du CSP précise que la communication du médecin ne doit pas « inciter à un recours inutile à des actes de prévention ou de soins, ni induire le public en erreur ». Le médecin peut communiquer « des informations scientifiquement étayées » et « il formule ces informations avec prudence et mesure, en respectant les obligations déontologiques, et se garde de présenter comme des données acquises des hypothèses non confirmées ».
Ce décret pose le problème de l’ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression des médecins avec possibilité de sanctions.
* La jurisprudence indique qu’une telle ingérence est autorisée par la loi (ou un décret) si elle poursuit un objectif d’intérêt général de protection de la santé publique et constitue une mesure nécessaire et proportionnée au but poursuivi. Le Conseil d’État a par exemple considéré que pouvait être sanctionné sur la base de l’article R. 4127-13 du CSP un médecin ayant « largement diffusé des messages critiquant la vaccination obligatoire, notamment sous la forme d’invitations à signer des pétitions qui comportaient des termes polémiques et étaient adressées non seulement aux milieux professionnels mais également au public non spécialiste » [CE, 24 juillet 2019, n°423628]. De même a été sanctionnée la présentation commerciale de traitements alternatifs non validés, proposés en remplacement des traitements de référence pour des affections graves comme le cancer.
* Mais le problème est tout autre lorsqu’il s’agit de médecins qui présentent publiquement des thèses alternatives sur la gestion de la crise sanitaire liée au coronavirus (usage de l’hydroxy-chloroquine, stratégie de dépistage ou de confinement, etc…). En effet, le décret n°2020-1662 du 22 décembre 2020 n’apporte à aucun moment une définition des « données scientifiques confirmées ou étayées » et de celles qui ne le sont pas, notamment en situation d’incertitudes et de divergences scientifiques, comme c’est le cas pour la maladie émergente COVID-19. Ce décret laisse au Conseil National de l’Ordre des Médecins le soin de qualifier de façon totalement arbitraire ce que sont des « données scientifiques non confirmées ou non étayées ». Or, les conseils de l’ordre, élus sur une base politique et syndicale, n’ont aucune qualification scientifique pour déterminer ce qui est « scientifiquement étayé » ou » confirmé ». Le professeur Didier Raoult et le Professeur Christian Perronne ont été visés par des plaintes du Conseil national de l’Ordre des médecins pour leurs positions divergentes dans la lutte contre la pandémie, notamment pour « recours à un remède ou procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé » et pour des propos polémiques. Le Pr. Christian Perronne a été démis de ses fonctions de chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches au mois de décembre 2020. L’ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression, permise par ce décret, apparaît donc abusive et disproportionnée. Même si une opinion est minoritaire, elle ne saurait être censurée et rien ne devrait interdire la diffusion d’informations dans la mesure où elles sont exposées de manière nuancée et non excessivement polémique.