Il y a quelques jours, le Conseil d’État censurait une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), visant à priver de son statut de réfugié un ressortissant tchétchène condamné à Nice en 2015 pour apologie d’un acte terroriste. Cet arrêt de la Haute juridiction administrative, n’avait pas manqué, à juste titre, de susciter une vive émotion chez certains élus de l’opposition (RN et LR en particulier) mais aussi chez de nombreux français. Pourtant, force est de constater, ainsi qu’il l’a souligné lui même, que le Conseil d’État, en l’état actuel de notre droit positif, n’a fait qu’appliquer les textes en vigueur dans notre pays. De fait, le délit « d’apologie d’un acte terroriste » ne fait actuellement pas partie des infractions susceptibles d’entraîner ipso facto la perte du statut de réfugié pour celle ou celui qui s’en rend coupable !

Ce nouvel « incident » judiciaire, doit donc inciter à une réflexion plus profonde sur l’état actuel de notre législation en matière de lutte contre le terrorisme et, d’une façon plus générale, sur l’arsenal légal donc nous disposons pour lutter contre le crime. De nombreux et récents événements nous prouvent en effet qu’il est inadapté dans de nombreux domaines.

 

Tout d’abord, nous devrons apporter une attention particulière contre la prolifération législative que connaît notre pays depuis 20 ans. Chaque fait de société, aussi fugace soit-il, donne aussitôt lieu à l’élaboration de lois et de textes qui, dès que le phénomène est passé, tombent dans l’oubli. Il s’ensuit néanmoins une accumulation de lois qui rend extrêmement complexe l’application du droit et qui, surtout, nuit gravement à la qualité des textes souvent votés dans la précipitation par le législateur.

 

Ainsi, le cas de figure ci-dessus évoqué pourra être évité quand un vrai travail de fond sera fait en amont du vote des lois. Il faut donc rapidement entreprendre un « toilettage » des textes existants afin de regrouper les textes traitant de sujets identiques, supprimer ceux qui sont devenus obsolètes et compléter ceux dont la mise en application aura révélé les insuffisances. Travail sans doute titanesque mais aujourd’hui indispensable.

 

Ensuite, pour faire appliquer la loi, il faudra donner à notre appareil judicaire des moyens matériels suffisants ! En réalité notre institution judiciaire fait pâle figure comparée à celles d’autres États d’Europe occidentale : ressources financières insuffisantes, manque de magistrats et de personnels de justice, infrastructures défectueuses. Il s’en suit naturellement un manque d’efficacité patent lié à ces lacunes, des délais de traitement intolérables ainsi qu’une image dans l’opinion qui est loin d’être satisfaisante.

 

Si les réformes structurelles indispensables peuvent être apportées par le biais d’un budget revu à la hausse et adapté aux enjeux actuels, c’est également en révisant son fonctionnement que le monde judiciaire pourra sortir de son isolement. Rendue au nom du peuple Français, la justice doit tout faire pour élargir ses recrutements (sous conditions) à l’ensemble du corps social. Les juges de proximité, supprimés en 2017, doivent ainsi pouvoir être réactivés. Tout en tirant les enseignements de ce qui  fonctionnait mal ou pas, cette juridiction avait pour énorme avantage d’alléger le travail des magistrats professionnels plus utiles sur d’autres dossiers et d’associer d’autres citoyens à l’administration de la justice. Enfin, les Français doivent notamment pouvoir être associés pleinement aux décisions de certaines juridictions, telles les libérations conditionnelles, tant au niveau du juge que du tribunal de l’application des peines. C’est une vaste réforme qu’il faut désormais envisager, afin que la confiance renaisse entre les Français et leur justice.

Olivier Damien

Olivier Damien

Docteur en Droit Ancien Commissaire Divisionnaire