Jadis considéré comme le ministre-vedette du système Macron, Jean-Michel Blanquer est aujourd’hui très affaibli. Il doit notamment assumer son bilan, certes provisoire, mais néanmoins très critiquable. Parmi les échecs du ministère Blanquer, le saccage du baccalauréat est sans doute sa faute la plus grave.

Pourtant tout n’était pas négatif dans cette réforme qui a transformé de fond en comble le baccalauréat général et a modifié substantiellement les filières technologiques: amélioration de certains programmes, spécialités assez ambitieuses en filière générale (avec 6 heures hebdomadaires en terminale), plus grande liberté de choix laissée aux élèves (au prix, il est vrai, d’un alourdissement considérable des emplois du temps et d’un éclatement des classes). Mais malheureusement ces modifications dans l’architecture du « bac Blanquer » semblent bien accessoires face au péché originel de cette réforme ratée: la déstructuration et la disparition progressive des examens.

 

Un diplôme sans épreuve: une hérésie pédagogique au service de l’égalitarisme.

Le plus sûr moyen de torpiller un diplôme est d’y instaurer le contrôle continu. Le DNB(1) (dont l’effondrement est aggravé par l’utilisation des « compétences ») ou les baccalauréats professionnels (via le CCF(2)) l’ont clairement démontré. Afin de rassurer l’opinion, Jean-Michel Blanquer a d’abord clamé haut et fort que le contrôle continu ne devait concerner que 10% de la note, 30% étant assurés par des examens locaux (les fameuses E3C(3)) et 60% par des épreuves terminales. Mais sous prétexte de covid, le ministre installe subrepticement un baccalauréat sans aucun examen et donc sans valeur. Tout d’abord en avril 2020, en plein pic épidémique, il a choisi « à titre exceptionnel » le contrôle continu intégral, ce qui pouvait se comprendre à l’époque compte tenu des incertitudes sur le virus. Le résultat est connu: 95,7% de réussite grâce à des consignes ubuesques. Le bac 2020 à été littéralement bradé.

 

Plus contestable est sa décision de supprimer progressivement tout examen pour la session 2021. Les E3C ont été annulées, ce qui est en soi une bonne chose mais il aurait fallu les remplacer par des épreuves terminales (ce que le ministre a refusé). Ce fut ensuite aux épreuves de spécialités à fort coefficient, prévues mi-mars en vertu d’un calendrier aberrant, de passer à la trappe alors que leur report en juin était parfaitement envisageable. Qu’en sera-t-il des EAF(4), de la philosophie et du « grand oral »? Le pire, à savoir leur suppression, est à craindre. Très clairement, Jean-Michel Blanquer prend prétexte de la crise sanitaire pour installer progressivement le principe délétère du contrôle continu. Il saborde donc sciemment le diplôme le plus emblématique du système éducatif français.

 

Pour un examen terminal, national, anonyme et surtout sélectif.

Reconstruire un baccalauréat digne de ce nom passe par une mesure d’urgence et de bon sens: le rétablissement de véritables épreuves, qui en plus de certifier le niveau des candidats, sont un rite de passage très important dans la société française. Les épreuves doivent se tenir à la fin de l’année scolaire dont elles constituent l’aboutissement. Les E3C/EC et autres convocations en plein milieu d’année doivent cesser. Le caractère national du diplôme est le seul gage d’égalité entre les établissements: tous les élèves doivent passer les mêmes épreuves, avec le même calendrier et les mêmes consignes de correction. L’anonymat, possible pour les écrits, est un autre gage de qualité à défendre. Enfin, les objectifs purement quantitatifs (toujours plus de « réussite », quel qu’en soit le prix) doivent laisser la place à des objectifs qualitatifs: pour obtenir son sésame pour l’université, chaque candidat devra démontrer sa maîtrise du français et de tous les fondamentaux de chaque matière. A défaut, il sera, en toute logique, refusé à l’examen. Un minimum de sélection est indispensable pour redonner du sens aux études.

 

(1) Diplôme national du brevet, connu sous le nom de brevet des collèges.

(2) Contrôle en cours de formation, épreuve plus ou moins personnalisée et fixée par chaque professeur.

(3) Epreuves communes de contrôle continu, rebaptisées récemment EC (évaluations communes), sont des examens locaux organisés dans chaque lycée. Ce dispositif extrêmement lourd qui saucissonnait inutilement l’année scolaire est sur le point d’être abandonné.

(4) Epreuves anticipées de français, en fin de première (comprenant un écrit et un oral).

Gilles Ardinat

Gilles Ardinat

Professeur agrégé d’histoire-géographie, Coordinateur national du Forum « Ecole et Nation »