Les zones commerciales périphériques ont envahi notre territoire. Elles pullulent aux entrées des villes, dopées par le faible coût du foncier et les facilités d’accès et de parking. Elles attirent massivement les consommateurs en concentrant au même lieu un maximum de commerces différents, commerces qui vendent leurs produits souvent moins chers.

Mais les effets négatifs de ces zones commerciales périphériques ne sont plus à démontrer. Artificialisation massive des sols, en transformant des terres agricoles fertiles en vaste étendues de béton. Dévitalisations des centres-villes des villes petites et moyennes : incapables de lutter face à la concurrence des hypermarchés, les petits commerces ferment les uns après les autres. Destructions d’emplois : un employé de supermarché vendra beaucoup plus de produits qu’un vendeur de centre-ville, et donc occupera à lui seul plusieurs emplois. Et bien sûr, comment passer sous silence l’insupportable enlaidissement de nos paysages ? Les entrées de nos villes moyennes sont uniformisées et défigurées par ces zones commerciales.

Malgré ces effets négatifs indéniables, les centres commerciaux s’étendent toujours plus dans nos périphéries, et nos centres-villes se meurent. Il n’est pas question ici de blâmer les consommateurs : quand on a des enfants et un budget serré, il est normal d’aller au plus simple et au moins cher. Il n’est pas non plus ici question de s’en prendre aux maires : comment pourraient-ils, alors que leurs caisses sont vides, résister seuls au rouleau compresseur de la grande distribution ?

Non, c’est bien l’Etat qui est en cause, pour son inaction et sa complaisance. Ou plutôt que l’Etat, ses dirigeants.
Si les centres commerciaux se développent depuis des décennies, le coup d’accélérateur n’a eu lieu qu’en 2008, sous l’effet de la Loi de Modernisation de l’économie et de la Directive européenne des services (dite « directive Bolkestein »).

La première, passée sous l’influence de la Commission pour la libération de la croissance française, dont était membre un certain Emmanuel Macron, voulait faire baisser les prix en libérant le commerce ; ce fut un échec. Quant à la seconde, elle a interdit aux communes d’invoquer un suréquipement commercial pour refuser un permis.
Les promoteurs avaient donc moins de contraintes, les maires et les préfectures moins de raisons valables de refuser la construction de nouveaux centres commerciaux. Résultat : les zones commerciales périphériques se sont démultipliées, avec les conséquences négatives que l’on connaît aujourd’hui.

Ce sont bien les choix politiques des dirigeants français de l’époque qui ont laissé le champ libre à la grande distribution. D’autres pays, pourtant membres de l’Union Européenne, ont fait des choix différents : l’Allemagne par exemple, a tenu tête à la Commission Européenne et fait passer, encore aujourd’hui, la préservation de ses centres-villes avant les directives dogmatiques de technocrates hors-sol.

Il n’y a pas de fatalité. Ni à la mort de nos centres-villes, ni à l’enlaidissement de nos périphéries, ni à la toute-puissance de la grande distribution. Ce n’est qu’une question de volonté politique.

Cyril Duchein

Cyril Duchein

Expert en urbanisme