Cinémas et salles de spectacles fermés, festivals annulés… Le monde de la culture souffre depuis un an comme de nombreuses autres professions, c’est entendu. Mais ce n’est pas la 46e cérémonie des Césars de la semaine dernière qui nous donnera envie de s’apitoyer sur son sort. Edgard Quinet disait : « Le véritable exil n’est pas d’être arraché de son pays, c’est d’y vivre et de n’y plus rien trouver de ce qui le faisait aimer. » Si cette citation s’applique pour beaucoup de choses, elle a été particulièrement criante pour les amoureux du 7e art.

 

Je ne reviendrai pas sur le fiasco qu’aura été l’édition de 2021 de la cérémonie des Césars. D’autres que moi l’ont déjà fait et avec bien plus de talent que je n’aurais été capable de l’écrire. De Valeurs Actuelles à Marianne en passant par le Figaro et d’autres, toute la presse est unanime : il s’agit de la pire cérémonie ayant d’ailleurs enregistré la pire audience depuis que le cinéma français organise cette soirée. Rien ne nous aura été épargné : blagues nulles, vulgarité, revendications antiracistes, défense de l’écriture inclusive, exhibitionnisme « malaisant »… A tel point que Jean-Marie Bigard n’a pas manqué de railler en un tweet bien senti : « Je ne suis jamais invité aux Césars. Paraît que je suis trop beauf, trop vulgaire, et que je ne corresponds pas à l’image que le milieu parisien se fait de la véritable Culture. Je les comprends. » Il est loin le temps de la classe de Lino Ventura ou de l’humour de Coluche, tous deux maîtres de cérémonies. Oublié également le temps où Isabelle Adjani citait à la tribune Salman Rushdie, objet d’une fatwa islamique.

 

Cette soirée aura eu au moins une vertu : montrer définitivement ce qu’est devenu le cinéma français, à savoir un astre mort. Il y a quelques années, Hubert Viel* établissait ce constat : « Le cinéma français est tellement idéologisé aujourd’hui qu’il s’essouffle. Les subventions ne sont accordées que si les critères de la ligne officielle sont remplis, ce qui est une forme de censure en soi. Ce qui fait que le cinéma français a perdu énormément l’audace qu’il avait il y a encore 40 ans. Il n’est fait que de lacunes. Il n’est plus politique, il n’est plus poétique, il n’est plus non plus populaire. Les spectateurs ne se reconnaissent plus dans les personnages, car les auteurs s’embourbent dans une description narcissique du monde, ils se contentent de ne mettre que leurs propres codes sociaux, ce qui donne des films faits par et pour l’auteur. »

 

Le synopsis du film Calais mon amour ayant valu à l’actrice Marina Foïs de présenter les Césars ne le fera pas démentir. Jugez vous-mêmes : Béatrice est une veuve de gendarme, militante au Rassemblement National habitant à Wierre-Effroy. Sa vie bascule lorsqu’elle découvre la jungle de Calais et fait la rencontre d’un migrant iranien dont elle tombe follement amoureuse. Les acteurs ayant défilé sur scène vendredi dernier pour rendre hommage à Adama Traoré sont pourtant bien contents de bénéficier de l’exception culturelle française, qui n’est autre qu’un protectionniste financé avec nos impôts. C’est donc pour le contribuable une double peine. Non seulement il finance indirectement un navet neuf fois sur dix, mais en plus il se fait traiter de beauf réactionnaire s’il ne trouve pas ledit navet génial.

 

Pourtant le cinéma de ces dernières années a produit de beaux résultats : The Artist, L’Immortel, Au-revoir là-haut, Des hommes et des dieux, l’Empereur de Paris, J’accuse, le Chant du loup… Ces belles réalisations sont malheureusement de plus en plus rares. C’est pourquoi le public d’aujourd’hui cultive la nostalgie du cinéma d’antan. France Télévisions a eu la bonne idée de repasser l’année dernière de nombreux classiques du cinéma français pendant le confinement, réalisant à chaque diffusion des records d’audience. C’était un vrai plaisir que de retrouver quotidiennement les Gabin, Ventura, Delon, Belmondo, Depardieu, de Funès, l’équipe du Splendid… Le remède idéal pour oublier le Covid.

 

Je rêve de retrouver un cinéma libéré, otage aujourd’hui d’une caste déconnectée et biberonnée aux subventions. Je rêve de comédies populaires, dans lesquelles la France n’est pas sans cesse caricaturée et la diversité exaltée en permanence. Je rêve de grandes fresques historiques, faisant connaître au grand public les hauts faits méconnus de notre Histoire. Je rêve de voir les vrais sujets de société traités avec justesse, à l’instar des films de Cheyenne Carron qui doit se débrouiller avec les moyens du bord. Tant que nous devrons nous contenter des Tuche et de notre passé revisité par Netflix et Hollywood, nous continuerons de nous réfugier dans les classiques, reflets du véritable esprit français, malheureusement éclipsé.

 

*réalisateur entre autres d’Artémis, cœur d’artichaut et des Filles au Moyen-Âge

 

Louis Picq

Louis Picq

Etudiant en journalisme