Pour appréhender les risques délétères de la nouvelle maquette du CAPES, un court rappel s’impose. Le Certificat d’Aptitude à l’Enseignement Secondaire a longtemps été, pour les futurs professeurs de lycées et collèges, un concours national  sélectif, un an après l’obtention  de la licence en trois ans. Jusqu’à présent, ce concours national, sanctionnant les connaissances du candidat dans sa discipline, comprend une partie écrite dite d’admissibilité, laquelle conditionne l’accès aux épreuves orales. Le candidat, jusqu’à présent, est évalué sur la moyenne des épreuves écrites et orales, et le jury prononce son admission, dans la limite des postes disponibles. L’oral et l’écrit sont à égalité de coefficient.

 

Or, dès les années 90, l’on commença à démanteler ce système de recrutement propre à la France, au nom de « l’intégration européenne » imposant, outre les trois années jusqu’à la licence, deux années supplémentaires débouchant sur un « master ». Progressivement celui-ci s’est dissocié de la spécialité disciplinaire de la licence pour porter sur les « sciences de l’éducation ».

 

Avec la nouvelle maquette du CAPES, parue aux JO n°0025 du 29 janvier 2021, la macronie achève  par une offensive sans précédent, la destruction de l’ancien système de recrutement fondé sur l’élitisme républicain, en allant au-devant du diktat européen, pour s’assurer la soumission des esprits, même au prix de l’évaporation des savoirs.

Première attaque. Les épreuves écrites d’admission, par le jeu des coefficients ne  comptent plus que pour le tiers de la note globale. Les candidats, peu à l’aise avec l’orthographe française n’ont plus guère à s’en inquiéter!

Deuxième attaque: l’évaluation des connaissances dans la discipline est réduite à la portion congrue: trente pour cent de la note globale. Cas limite: la version latine d’un futur professeur de lettres classiques est affectée d’un coefficient de 0,5 point sur 9 au total! Pas davantage que la maîtrise de l’expression écrite, les connaissances théoriques ne sont déterminantes.

Troisième attaque: le formatage des esprits à l’oral avec un « entretien », que le jeu des coefficients rend décisif, sur les « valeurs de la république » et « l’engagement du candidat » dans le milieu associatif . Il vaut mieux avoir participé à une   action écocitoyenne de ramassage des  papiers gras dans un quartier de préférence défavorisé, que d’avoir hanté les bibliothèques!

Quatrième attaque. L’anonymat du concours est levé de facto. Chaque candidat remettra une « fiche signalétique » pour y étaler ses « engagements citoyens », et, il est vrai, un éventuel diplôme supérieur universitaire, un doctorat par exemple. Mais, que l’on se rassure, sa prise en compte dépend de l’aptitude du candidat à rendre ses travaux accessibles à « un public non spécialiste », c’est-à-dire à l’un des deux membres du jury au moins, issu de la « Vie scolaire » ou de l’Administration; et à les mobiliser    « dans le cadre des enseignements qu’il serait appelé à dispenser dans la discipline du concours. » La seule science qui compte est celle de la « vulgarisation ».

Cinquième attaque. Les masters et les doctorats disciplinaires empêcheront définitivement leurs titulaires de réussir le nouveau CAPES, où même l’unique épreuve disciplinaire est maintenant farcie de didactique! Ainsi l’Administration achève-t-elle la marginalisation de l’Université.

Sixième attaque: le jury perd sa liberté souveraine de ne pas pourvoir tous les postes, faute de candidats à niveau et avec elle, sa crédibilité et celle des diplômes délivrés. Avec des notes éliminatoires, respectivement, de cinq sur 20 à l’écrit, et de zéro aux épreuves d’admission! le jury sera tenu, quel que soit leur niveau, de faire coïncider le nombre d’admis et de postes mis au concours. Jusqu’à présent ils s’étaient toujours réservé la faculté de ne pas pourvoir tous les postes, pour insuffisance de niveau de certains candidats. Or cette circonstance, assez rare par le passé, est désormais bien plus fréquente, du fait de l’effondrement du nombre de vocations.

 

Cette ahurissante dérive d’un recrutement, sacrifiant à la soumission des esprits,  à l’intégration européenne et au  dogmatisme des pédagogistes, le concours républicain sanctionnant la maîtrise des savoirs et garantissant la transmission des connaissances, ruinera définitivement l’autorité des enseignants, la confiance des parents et la promotion sociale par la réussite scolaire.

Un peuple ne peut s’aimer sans se reconnaître dans l’École à laquelle il confie ses êtres les plus chers, c’est-à-dire ses enfants. Si ce funeste projet venait à se réaliser, la défiance des français deviendrait irréversible, puisque du système agonisant de l’Éducation nationale elle remonterait aux enseignants eux-mêmes, sapés au fondement même de leur autorité par une suspicion légitime quant à leurs compétences.

Parce que « les sciences de l’enseignement » ne sauraient se substituer aux savoirs à enseigner, la didactique, qui peut avoir son utilité, doit céder la priorité, surtout dans les concours externes, à l’évaluation des connaissances disciplinaires du futur professeur.

Parce que l’Administration ne peut se substituer aux jurys de concours sans alimenter la suspicion, ceux-ci, affranchis de sa tutelle, doivent librement établir les seuils d’admission garantissant le haut niveau des lauréats. En outre leur composition même doit assurer une majorité de membres universitaires dans la discipline du concours, ne serait-ce que pour la bonne appréciation des enjeux scientifiques d’un doctorat trop technique!

Parce que l’égalité des chances républicaine ne peut être garantie que par l’anonymat des candidats aux concours, il sera réaffirmé, y compris pour les épreuves sur dossier.

Parce que l’Université est au cœur même de l’élaboration des savoirs, le prétexte de la professionnalisation des enseignants ne saurait conduire à évincer du CAPES les candidats les plus avancés dans la recherche, soit en excluant les titulaires d’un master disciplinaire, soit en rejetant la prise en compte des doctorats trop abstraits!

Parce que cette réforme à la sauvette, moins faite pour pallier la crise des vocations que pour la masquer, obère l’avenir de l’école de la République, et que les étudiants, avant de s’engager dans de longues études, ont droit à un minimum de lisibilité de leurs débouchés, parce que l’instruction de la jeunesse est d’un enjeu aussi grand que celui de la Défense Nationale, un plan pluriannuel de recrutement s’impose à égalité dans ces deux ministères stratégiques. Cette lisibilité étendue dans le temps des postes mis aux concours garantira, voire élèvera le niveau des lauréats, en suscitant des vocations plus nombreuses.

 

Puissent ces quelques réflexions et propositions apporter ma modeste contribution à la lourde tâche qui incombera au Rassemblement National de restaurer le contrat de confiance entre les Français et et l’École de la République!