Le club des cinq – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – s’est rendu indispensable à notre quotidien. Recherches internet, achats en lignes, téléphonie, réseaux sociaux… Plus aucune interaction humaine n’échappe à leur emprise. Ils sont devenus aussi puissants qu’un État, s’arrogeant désormais le droit de juger qui est légitime pour s’exprimer dans l’espace public. Le politique doit reprendre le contrôle avant qu’il ne soit trop tard.

 

Les leçons du bras de fer en Australie

 

Récemment, Facebook a bloqué en Australie tout partage de contenus d’actualités renvoyant vers des sites d’information. Une manière pour le réseau social de négocier avec le gouvernement discutant un projet de loi contraignant les géants de la Tech à rémunérer les médias pour la reprise de leurs contenus. Une manière de les faire contribuer aux aides apportées à la presse. Cette mesure de rétorsion, levée depuis, était un ultimatum exprimé par le groupe depuis août dernier. Google, également concerné par la le projet de loi, avait aussi menacé de bloquer son moteur de recherche dans le pays.

 

En un peu plus de 15 ans d’existence seulement, Facebook est devenu en capacité de discuter d’égal à égal avec un Etat aussi puissant que l’Australie. Cet état de fait donnant le vertige quand on y pense vraiment, a alarmé le commissaire européen en charge de la régulation des services numériques, Thierry Breton : « C’est aux plate-formes de s’adapter aux régulateurs et pas l’inverse. Il y a des lois, et les plate-formes doivent s’adapter. »

 

Pourtant, cela fait longtemps que les GAFAM s’affranchissent allégrement des lois nationales : utilisation sans contrôle réel des données privées, capacité à échapper à l’imposition… Le pouvoir et l’argent accumulés par ces acteurs depuis des années en font de véritables puissances économiques transnationales. Facebook revendique d’ailleurs être le troisième pays du monde. Cette position dominante dont les GAFAM abusent en font de vrais dangers pour notre démocratie.

 

Une liberté d’expression sous contrôle

 

La campagne électorale américaine a été un modèle du genre. Les Big Tech ont massivement soutenu à coup de dizaines de millions de dollars le candidat démocrate devenu président, Joe Biden. Facebook et Twitter se sont arrogés le droit de censurer et de modérer les comptes d’un président encore en poste, à savoir Donald Trump, ainsi que de ceux de milliers de supporters du camp républicain. Ceux-ci se sont réfugiés massivement sur un autre réseau social, PARLER, afin d’échanger librement. Las, les GAFAM n’ont pas aimé la manœuvre. Google et Apple ont retiré l’application de leurs magasins respectifs tandis qu’Amazon (qui est l’hébergeur des données de PARLER) a coupé l’accès au site pour tous ses utilisateurs.

 

En France, Génération identitaire a fait les frais de la censure. Toutes leurs pages et comptes ont été fermés. Toute mention du groupe militant est également interdit. Jordan Bardella ou encore Marion Maréchal l’ont appris récemment à leurs dépends, ayant contrevenu aux fameux « standards de la communauté ». Des standards qui coïncident drôlement avec l’idéologie progressiste et multiculturaliste ambiante.

 

Par ailleurs, la traque aux « fake news » est devenue une véritable obsession pour les GAFAM, qui se sont posés en toute illégitimité en arbitre de la parole publique. Collaborations avec les médias, algorithmes pour détecter les intox ou suppressions de contenu, ils ne lésinent pas sur les moyens pour établir une vérité officielle, ce qui leur vaut souvent le surnom de Big Brother. La liberté d’expression, pilier fondamental de toute démocratie digne de ce nom, s’en trouve gravement endommagée.

Les GAFAM atteints d’hubris

 

Aurélie Luttrin, présidente de Ciwik*, a bien étudié le sujet et nous l’a détaillé dans plusieurs tribunes. Afin d’obtenir le contrôle de pans entiers de l’économie, tous secteurs confondus, les GAFAM ont adopté la stratégie du criquet : partenariat avec une entreprise du secteur convoité, captation des données – phagocytage dudit partenaire et dudit secteur puis changement de secteur. C’est ainsi qu’ont été pénétrés les secteurs de l’automobile (Renault), de la banque (Citybank, Goldman Sachs…), de la musique (Tencent et Universal), de la médecine, de l’industrie pharmaceutique (Sanofi), de la construction et de l’aménagement (Ville de Toronto, même si le projet est désormais au point mort), de la grande distribution (Carrefour, Auchan et Monoprix).

 

L’objectif de ces Big Tech selon elle est « d’augmenter leur chiffre d’affaires en dirigeant un monde où l’être humain est affranchi de ses limites, où n’existe ni crise économique, ni maladie, ni limitation intellectuelle, pour peu qu’on ait les moyens de se payer cet Atlantide bien évidemment. »  Les GAFAM sont obsédés par le transhumanisme : « [cette] croyance ou théorie que l’espèce humaine peut dépasser ses limites physiques et mentales actuelles grâce au développement des sciences et des technologies ». Cela passe donc par l’Intelligence Artificielle (IA), et donc le contrôle des données (le Big Data).

 

 

Cet avenir où la France et l’Europe seraient coincées entre les GAFAM américains et les BATX chinois, qui ont le même objectif de devenir champion de l’IA, n’est pas inéluctable. Il est encore temps de mettre en place notre indépendance technologique et notre souveraineté numérique au niveau national et européen. Cela demande du courage et de la volonté politique, des atouts dont nos dirigeants ont été malheureusement dépourvus jusqu’à maintenant.

 

 

*société proposant au secteur public des solutions pour réinventer la vie publique, construire la souveraineté numérique des territoires et accroître leur performance économique, sociale et environnementale